Transkrypcja artykułu Pana N. J. Didiez

10 września 2018

Lorsqu'on suit attentivement l'histoire des améliorations que le temps apporte à la pratique des arts en général, on est frappé d'étonnement, on éprouve un sentiment pénible, lorsqu'on remarque que les arts qui restent, pour ainsi dire, stationnaires, dans lesquels les préjugés et l'aveugle routine exercent leur influence avec plus d'empire, sont le plus souvent ceux dont l'origine est la plus reculée, et qui à toutes les époques ont été mis en pratique par un grand nombre d'individus, même par des hommes d'ailleurs fort instruits.

Deux causes paraissent concourir principalement à produire cet effet : d'abord, l'ignorance où trop souvent notre éducation nous laisse relativement aux principes les plus usuels des sciences; car, privé de cet appui, l'homme se trouve condamné à adopter aveuglément et sans examen les pratiques établies, ou bien il s'expose à commettre de grandes fautes de raisonnement. D'un autre côté, l'amour-propre mal entendu ne manque jamais de persuader à la plupart des hommes que, par cela seul qu'ils ont fait long-temps la même chose, ils ont acquis, comme on dit, beaucoup d'expérience en cette chose. Mais il est important de remarquer que si par ces mots expérience acquise on veut désigner le développement de l'intelligence par la fréquente observation et l'examen raisonné des faits, cette expérience, résultat de l'activité des facultés intellectuelles, se rencontre plus rarement qu'on ne le croit généralement; mais il est une autre expérience, pour ainsi dire passive et stationnaire, qui n'est bien souvent qu'une longue habitude de mal faire.

Ces réflexions générales ne doivent point paraître dé placées dans la question qui va nous occuper, et dans laquelle il arrive si fréquemment qu'on se prévaut de l'autorité d'une longue expérience pour avancer, sans discussion, des décisions qui devraient être la suite d'un examen d'autant plus sévère qu'elles intéressent un plus grand nombre d'hommes.

M. IvANowsK1, ancien officier au 7° régiment de lanciers polonais au service de France, ayant publié un nouveau système d'escrime pour la cavalerie, M. de BoURGE, lieutenant-colonel du 14° de chasseurs, a bien voulu se livrer à l'examen de cet ouvrage, et répondre ainsi au vœu de M. le général C", qui, dans une préface pleine d'intérêt, engage MM. les officiers de notre armée à consacrer leurs loisirs et leurs lumières à rechercher les moyens de perfectionner soit la forme,

soit les dimensions, soit le maniement des armes dont ils font usage.

On doit savoir gré à M. de BoURGE des sentimens d'estime et de bienveillance qu'il a conservés pour nos anciens frères d'armes; mais il est à craindre que l'article publié ne donne qu'une idée fort incomplète du genre d'escrime professé par M. IvANowsKI, les principes sur lesquels il repose n'ayant été ni discutés, ni même énoncés.

 

Il y a environ vingt ans que je me suis livré pour la première fois à l'examen comparé de ces principes; je les ai abordés avec toutes les préventions que les Français apportent ordinairement dans ce genre de recherches, et néanmoins je n'ai point tardé à reconnaître leur supériorité sur toutes les théories proposées sur le même sujet; et si les observations que je vais prendre la liberté de donner à la suite de l'article cité plus haut, peuvent contribuer à déterminer quelques officiers à examiner sérieusement une question qui d'ailleurs doit être pour eux d'un si grand intérêt, je croirai avoir fait une chose utile.

Il est très important de se demander d'abord s'il existe entre l'escrime à pied et l'escrime à cheval ces rapports d'analogie, cette homogénéité de principes, qu'on s'efforce d'établir depuis long-temps. Lorsqu'on examinera mûrement la question, on trouvera, je pense, que ces rapports ne sont autres que ceux que nous pouvons concevoir entre deux langues différentes; on peut y rencontrer çà et là quelques mots ayant des rapports de ressemblance par une étymologie commune, mais en général la forme constitutive des mots, leur valeur, les tours de phrases seront très différens. Notre escrime à pied jouit incontestablement d'une grande supériorité sur toute autre : les principes en sont nettement posés, tout y est rationnel; c'est l'œuvre de la raison éclairée par l'expérience. Mais pouvons-nous avoir le sentiment qu'il en soit de même de notre escrime à cheval ? Ne serait-il pas prudent et utile d'examiner consciencieusement si, surtout en France, il ne reste pas beaucoup à faire pour mettre l'escrime à cheval au niveau de notre escrime à pied ?Je me crois autorisé à penser que les questions les plus importantes dans cet art n'ont jamais été résolues convenablement; que les principes fondamentaux n'ont pas été suffisamment approfondis et analysés.

Lorsqu'on a voulu déduire de l'expérience les principes de l'escrime à cheval, on a observé des faits sans en tirer toutes les conséquences qu'ils devaient fournir.

C'est ainsi qu'ayant observé que lorsque le cavalier ſait usage du tranchant de son sabre, en plaçant à l'épaule le centre du mouvement du bras armé du sabre, il est obligé de se découvrir; que les effets produits par l'inertie et la force centrifuge, en vertu de la vitesse des mouvemens, déplacent souvent son centre de gravité, ne lui permettent de porter que des coups mal assurés, et le plus souvent peu dangereux pour l'adversaire; de ces observations, dis-je, on a conclu qu'il fallait rejeter les attaques par le tranchant du sabre, et ne faire usage que de la pointe. Selon nous, il fallait seulement conclure de là que, généralement, le centre du mouvement du sabre ne doit pas être à l'épaule, mais bien au poignet. Alors le cavalier est toujours couvert; il maîtrise à volonté tous les mouvemens de sa lame, soit dans les parades, soit dans les attaques. Ces mouvemens s'exécutent avec une vitesse telle, que l'œil ne peut les suivre que difficilement. Le tranchant du sabre, lorsque les dimensions, la forme et la masse de celui-ci sont convenablement calculées, produit un effet analogue à celui d'une scie circulaire dont le centre et l'inclinaison pour raient varier d'une infinité de manières, et les blessures sont aussi fréquentes que terribles. Dans les manœuvres,le poignet peut être assimilé au mécanisme connu dans les arts mécaniques sous la dénomination de joint brisé ou joint universel, et le bras est, pour ainsi dire, à-la fois le support de l'opérateur et le réservoir de la force motrice, force qui est produite par tout le système musculaire du bras, et non par de simples mouvemens des doigts, comme l'auteur de l'article cité plus haut paraît l'avoir pensé.

Ajoutons maintenant que cette manière d'employer le sabre, bien loin d'exclure les coups de pointe, les rend plus fréquens, puisqu'elle met le combattant en mesure de profiter instantanément de tous les avantages que peut lui présenter le jeu de l'adversaire; que, d'un autre côté, les coups de sabre, par leurs effets, ne porteront pas moins de ravages dans les rangs de l'ennemi que les coups de pointe, tandis que dans la manière ordinaire de sabrer, les effets sont très souvent insignifians.

Si l'on considère ce principe dans ses développemens, auxquels l'étendue de cet article ne nous permet pas de nous livrer ici, on sera bientôt convaincu qu'il est des

tiné à rendre l'escrime à cheval aussi meurtrière que possible, en même temps qu'il donne au combattant cette assurance morale qui à la guerre contribue tant au succès. C'est à ce principe que se rattache le nouveau système d'escrime à cheval proposé par M. Ivanowski.

Si l'on admet le principe de la manœuvre, on est bientôt forcé de reconnaître qu'elle n'est pas complète ment applicable aux sabres actuellement en usage en France. Dans une notice jointe à son ouvrage, M. Ivanowski, aidé des lumières de l'un de ses compatriotes, a essayé de déterminer la forme, le poids et les dimensions d'un sabre approprié à la nouvelle manœuvre. On trouvera peut-être que cette partie du travail de M. Ivanowski et de son collaborateur n'est point exempte de reproches.

La poignée de ce sabre est sans coquille, et n'est garnie que d'une simple branche. La forme actuelle des poignées des sabres français rend impossibles des mouvemens qui sont essentiels, soit dans l'attaque, soit dans la défense, comme l'a complètement prouvé M. Ivanowski dans son ouvrage. D'ailleurs, c'est une erreur de croire que la coquille soit nécessaire pour préserver la main du cavalier des coups de sabre : s'il sait faire usage de son arme, sa main se trouvera toujours parfaitement garantie des coups de l'adversaire ; s'il en est autrement, et si l'adversaire est mieux exercé dans l'escrime, le bras, la tête et le corps seront tout aussi exposés que la main.

Remarquons encore que cette disposition de la poignée n'est pas nouvelle pour l'armée française. On doit se souvenir que les chasseurs de la garde impériale, entre autres, n'avaient pas de coquilles sur les poignées de leurs sabres, et cependant il était assez rare de voir dans ce régiment des blessures sur les mains, tandis que d'autres régimens moins exercés, quoiqu'ils eussent des sabres à coquilles, comptaient souvent des blessures à la main, au bras et à la tête, qui sont les parties les plus faciles à garantir, lorsqu'on a l'habitude de faire un bon

usage du sabre.

Examinons maintenant la lame du sabre proposé par M. Ivanowski. On a peut être eu tort de comparer le mouvement et l'effet du sabre à ceux de la cognée, de la fronde et du volant. En effet, dans le combat et surtout dans les ripostes, le mouvement du sabre doit avoir la rapidité de l'éclair, et l'on sait que dans les mouvemens des corps cités comme exemples, ce n'est pas instantanément, mais bien après un certain temps plus ou moins long que le moteur, agissant comme force accélératrice, parvient à faire passer la cognée, le volant ou la fronde, d'une vitesse d'abord insensible à une vitesse capable de faire produire au corps en mouvement les effets auxquels on a voulu comparer celui du sabre.

Le sabre proposé me paraît se rapprocher trop de la hache d'armes autrefois en usage, et en avoir en partie les inconvéniens.

On a attribué à la masse de la lame tout l'effet que celle-ci produit, tandis que cet effet se trouve en raison de la masse et du carré de la vitesse. En portant la plus

grande partie du poids de la lame vers la pointe, en augmentant ainsi la distance du centre de mouvement au centre de gravité, on augmente le moment d'inertie, ce

qui diminue considérablement la vitesse; de plus, on déplace le centre de percussion , ce qui fait porter les conps à faux, produit une réaction sur le poignet, et par suite une perte de force.

Au reste, nous savons que M. Ivanowski se propose de refaire cette partie de son ouvrage. La détermination de la masse, de la forme et des dimensions que doit avoir une bonne lame de sabre, n'est pas sans difficultés. Les recherches que j'ai faites à cet égard m'ont convaincu que cette question, malgré son importance, n'a pas encore été convenablement résolue.

On peut penser que les sabres français ne sont nullement ce qu'ils devraient être, quoique M. de Bourge ait dit dans son article qu'ils ont été déterminés « par la statique et la géométrie appliquées à l'escrime française ».

Qu'il nous suffise, pour le moment, de faire observer - que la question dont il s'agit n'est point une question de statique ni de géométrie, mais bien une question de

dynamique et d'opérateur mécanique.

 

La masse de la lame doit se trouver entre des limites qui seront déterminées, 1" par la résistance dont la lame doit être capable, soit dans les coups de pointe, soit dans les chocs qu'elle peut éprouver; 2° par la force des individus qui doivent en faire usage. On doit surtout éviter qu'elle ait un poids tel que le cavalier se trouve fatigué au bout de quelques instans de manœuvre, tout excès de poids étant ici sans aucune utilité, et d'ailleurs très nuisible.

Dans la distribution de cette masse, il faut surtout considérer la position que doit avoir le centre de percussion.

La courbure doit être telle, que le tranchant produise son maximum d'effet, sans pourtant rendre l'arme impropre aux coups de pointe.Enfin la longueur et la largeur de la lame ne sont nullement arbitraires; elles ont leurs limites qu'il ne serait pas convenable de franchir.

Je regrette que l'étendue de cet article ne me permette pas d'examiner plusieurs propositions contenues dans l'article déjà cité. Cet examen aurait pu convaincre bien des militaires qu'il reste beaucoup à faire pour détruire les préjugés existans, et pour leur substituer une théorie convenable.

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